Une histoire succinte de l'interprètation des musiques anciennes et baroques. |
On entend par période baroque en musique une période qui s'étend à peu près de l'année 1600 aux années 1750 et suivantes avec un chevauchement car Rameau exerce encore en France alors qu'apparait deja la période Sturm et Drang en Allemagne avec CPE Bach,le jeune Hadyn et Kraus sans parler du jeune Mozart ainsi que Boccherini en Espagne. Après on entre dans la période "classique" . Baroque viendrait d'un mot espagnol (barocco) qui veut dire 'bizarre" "étrange". Jusque dans les années 70, on écoutait deja beaucoup de musique de ces périodes mais surtout celle des grands musiciens"phares" comme JS Bach , Vivaldi , Haendel, mais aussi Corelli ,Purcell, Monteverdi pour ses madrigaux ,Pachelbel et son canon ,Albinoni (qui n'est pas l'auteur du fameux adagio qui a été composé par un élève français du conservatoire de Paris en 1948 je crois et qui est en fait une pièce pour un examen de composition "un adagio à la manière d'Albinoni" est son vrai titre !) Telemann etc Des ensembles de musiciens s'étaient spécialisés dans cette période comme JF Paillard en France (disques Erato) I Musici et I Solisti Veneti en Italie, Kurt Redel ,Karl Richter et Helmut Rilling en Allemagne et bien d'autres encore.Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et le baroque ronronnait en rond ; c'était une espèce de musique un peu géométrique, un peu mécanique , un peu répétitive ,pas dérangeante qui pouvait servir de fond sonore à diverses activités : restaurant ,supermarché , autoradio. D'ailleurs,lorsqu'on voulait avoir vraiment des émotions on s'adressait aux périodes suivantes : Mozart,Beethoven,Schubert et puis tous les "grands romantiques". On jouait tout un peu de la mème façon comme on l'avait appris au conservatoire ou de ses maitres : des notes égales, du vibrato pour les cordes, un légato universel, des orchestres souvent fournis en effectifs lorsque ce n'était carremment pas un orchestre philharmonique (cf les Brandebourgeaois par Karajan ) Mais deja vers les années 70, dans la foulée du mouvement soixante huitard ,un certain nombre de musiciens professionnels ou d'étudiants en musique trouvaient que des choses "clochaient",que des passages de certaines oeuvres ne collaient pas ou étaient incompréhensibles ou injouables avec les instruments de notre 20°siécle : violes de gambe ? cornet à bouquin ? trompette naturelle ? trompette da caccia ? trompette marine ?(qui n'est d'ailleurs pas une trompette mais un instrument à cordes ) chalumeau ?(l'ancètre de la clarinette) cor naturel ? flûte d'echo ? violoncelle piccolo (pour la 6°suite de Bach) flûte à bec en sol ? viole d'amour ? hautbois d'a caccia ? hautbois d'amore ?(dans les cantates de JSB) clavecin flamant ? français ? italien ? virginal ? épinette ? il y en a bien dans les musées ! mais qui ne fonctionnent plus ! et quel intéret y aurait'il à les restaurer ? et comment faire ? : nos instruments "modernes"sont tellement supérieurs à ces vielleries poussièreuses ! Ces précurseurs que l'on peut qualifier de "révolutionnaires" ont tout mis en question : il s'agit surtout d'un premier violoncelliste du philharmonique de Vienne : Nicolaus Harnoncourt qui a fondé avec sa femme Alice, le Concentus Musicus de Vienne ,un des premiers ensembles d'instruments anciens, il y a aussi un organiste/claveciniste et bientot chef d'orchestre hollandais : Gustav Leonhardt qui révolutionné le jeu de clavecin (inégalités et rubato particulier, façon de phraser, redécouverte des caractères de la danse mème et surtout dans JSBach) il y a un anglais qui possède naturellement une voix particulière (que possède beaucoup d'hommes sans le savoir !) la voix de haute-contre (ou contre-tenor ) et l'a travaillée jusqu'à une certaine perfection : il s'agit d'Alfred Deller qui aura comme élèves le belge René Jacobs et l'anglais James Bowman pour les plus connus. il y a un catalan qui s'acharne à rejouer de la viole de gambe (alto,tenor et basse) et qui y arrive de mieux en mieux : il s'agit de Jordi Savall (cf musique de "Tous les matins du monde") qui reste probablement toujours le meilleur actuellement malgré la concurrence des jeunes souvent ses élèves : il fondera l'ensemble HesperionXX (qui s'appelle maintenant Hesperion XXI!) et la Capella Real de Cataluya. il y a les frères Kuijken (belges flamands) Sigiswald (violon baroque) Wieland (violoncelle baroque et viole de gambe) et Bard (flute traversière baroque=en bois et avec une seule clé) qui vont s'allier avec Leonhardt pour des concerts et des disques mémorables il a aussi celui qui a redécouvert la flûte à bec et son jeu et l'a très vite amené à la perfection : le hollandais Franz Brüggen (qui ne joue plus en concert et est devenu chef d'orchestre depuis au moins 15 ans à la tête de son "Orchestre du 18°siécle" (surtout interessant dans Mozart ) il y en tellement d'autres et leurs élèves et deja les élèves des élèves : Gardiner, Preston, Hogwood, Malgoire, Koopman, Herreweghe, Monorey, Staier, Foccroulle, Goebel, Biondi, Antonini, Banchini, King, Verlet, Scholl, Garrido, Lesne, Chapuis, Scott Ross, Bylsma,Christie, etc. Au début, ils ont eu du mal à convaincre et à percer ,en France en particulier :c'est vrai , ils ne maitrisaient pas bien leur instruments ,c'était souvent faux (quoique ! autre diapason et autre temperamment pour l'accord des instruments) ils appliquaient leurs découvertes musicologiques à la lettre avec le dogmatisme des néophytes, avec des effets de "soufflets"insupportables (cf concerts royaux de Couperin par les Kuijken ou mème la Saint-Mattieu par Leonhardt pour les choeurs :on a parfois l'impression d'ètre sur un bateau !) les musiciens "établis" les considéraient de"haut", n'avaient rien à apprendre de ses jeunes freluquets qui osaient remettre en question leur pratique "traditionnelle" tellement parfaite et conforme au dogme ! Je me souviens de la "Tribune des critiques de disques" le dimanche sur France-Musique mémorables en engueulades et polémiques avec en particulier l'abbé Carl de Nys très réactionnaire et conservateur ! Cependant,la revue de critique de disques "Diapason", à l'époque dirigée par Georges Chérrière, a très vite embrayé et défendu ces musiciens et leurs disques qui nous venaient de Hollande ou d'Autriche de mème France-Musique et en particulier une émission du dimanche matin qui diffusait une cantate de Bach chaque dimanche pendant des années! Ce mouvement a maintenant "gagné" depuis au moins 15 ans (avec l'aide des éditeurs de disques qui y ont vu une aubaine pour créer une nouvelle clientèle et aussi parce qu'on a enregisté tout et n'importe quoi , du plus médiocre compositeur totalement oublié aux oeuvres sans intéret et intégrales indigestes) On n'ose plus trop enregistrer de la musique baroque sur des instruments"modernes" (qui correspondent en fait à une esthétique sonore d'il y a 100 ans environ et qui n'ont de modernes ou d'actuels que le nom ) cela ne se vend plus ! Ce mouvement s'est mème étendu à la période classique puis romantique avec des fortunes diverses : soit utilisation d'instruments adaptés au 19° d'époque ou copies ,avec les effectifs respectés : en particulier : nombre de musiciens et rapport entre vents_cuivres et cordes) comme le font Bruggen/Norrington/ Gardiner/Hogwood dans Mozart/Beethoven/Schubert mais aussi Mendelsohn/Schumann/Brahms soit utilisation d'un orchestre"actuel un peu réduit en effectif et avec des trompettes naturelles comme l'a fait Harnoncourt pour les Symphonies de Mozart avec le Concertgebouw d'Amsterdam (interessant +) ou pour les symphonies de Beethoven avec l'orchestre de chambre d'Europe (interessant++) mais la question des instruments devient moins importante pour ces périodes : il faut bien laisser un répertoire aux musiciens "conservateurs" qui n'ont pas sauté le pas ! :-)) et je ne préfère pas aborder la question des claviers d'époque et en particulier du pianoforte sujet de polémique inépuisable ! Ces musiciens, ces orchestres ,ce mouvement de pensée ont été et sont toujours "révolutionnaires" car ils ont TOUT remis en question : 1°) pour quel(s) instrument(s) cette oeuvre a t'elle été composée ? sons très différents entre les instruments du 19° siècle et les instruments à cordes dans l'état baroque (il n'y en a plus de jouables :! ils ont tous été modifiés(trafiqués disent certains ) aux 19° et 20°siécles pour correspondre à l'evolution de l'esthétique sonore : son puissant et instruments fiables cf Mahler/Bruckner/Wagner etc on les a donc soit remis dans l'état soit on joue sur de bonnes copies pas de cordes en métal mais en boyau 2°)comment cet instrument était t'il accordé ?= quel diapason ? quel tempéramment ?,(il y en a des dizaines ! le tempéramment "égal" utilisé depuis 100 à 150 ans pour des raisons "pratiques"=le mème tempéramment pour toute l'Europe et le mème diapason la=440 ) n'en est qu'un parmi d'autres et était peu utilisé aux 17° et 18° siècles : tout y est également faux sauf les octaves!) 3°)comment joue t'on correctement de cet instrument ?(il existe de nombreuses méthodes d'époques qui sont maintenant rééditées : il suffit de les lire et d'apprendre!) pas de vibrato continu pour les cordes (qui nous vient de l'école russe semble t'il ) on ne vibrait pas continuellement au 19°siécle/le vibrato est un "agrément" à la période baroque c'est à dire un ornement de fin de phrase /violoncelle baroque sans "pique" tenu entre les jambes/violon baroque sans mentonnière mais posé sur l'épaule avec une peau de chamois ...... 4°)la partition utilisée est 'elle authentique ? de nombreuses partitions du commerce réservent des surprises lorqu'on les compare aux originaux : elles ont été "arrangées" justement pour pouvoir étre jouées sur les prétendus instruments modernes (par ex Bach au piano/ou piéces de violes de Couperin ou de Marin-Marais jouées au violoncelle:-((( ) 5°)connait t'on bien le code d'interprètation de ces musiques selon les pays ? tout n'était pas ecrit : ne surtout pas jouer comme c'est écrit car on va droit dans le mur! pour la musique française : inégalité en général pour les croches et double-croches sauf indication contraire et là le compositeur indique "les croches esgales" mais pas trop inégal tout de mème (ou alors c'est écrit surpointé) sinon systématisme ridicule et résultat pas musical du tout. 6°)quand il s'agit d'un ensemble d'instruments l'effectif est 'il respecté ? en général orchestres beaucoup plus petits qu'on ne le croit : parfois un à deux violons par voix/ un seul cuivre ou vent par partie /présence d'instruments de continuo :clavecin ou orgue mais aussi luth, guitare, chitarrone etc/ les cantates de Bach se chantent à trois par voix (pour les choeurs) on en est loin dans certaines réalisations discographiques surtout anciennes. Le décapage et la reconstruction sont plus ou moins poussés selon les ensembles ,les chefs et les périodes (deja 30 ans!) les plus décapants (et à ce titre dérangeants et aussi contestables sont : Harnoncourt et ce que j'appelle les "nouveaux baroqueux italiens" (Italie, que le mouvement dont je parle a paradoxalement atteint tardivement ,encore plus qu'en France) il s'agit de l'"Europa galante" de Fabio Biondi/ "Il giardino armonico" de Giovanni Antonini et des "Sonatori de la gioiosa marca" de Giuliano Carmignola (tous les trois ont enregistré les "quatre saisons" au disque ; à comparer ça décoiffe mais de façon différente à chaque fois) il faut y ajouter le "Concerto italiano" de Rinaldo Alessandrini qui révolutionne l'interprètation de Monteverdi. tp 09/2000 |